Très souvent, mes amis ou ceux qui connaissent mon métier me disent que j’ai de la chance de faire ce que j’aime. Ils ont raison ! Mais à moins de suivre des artistes en tournée ou en déplacement, il n’est pas simple de comprendre ce qu’ils vivent. C’est ce que je vous propose de faire en lisant cet article, un peu long certes, mais le voyage en vaut la peine. C’est parti !
6h30 décollage
Rien que pour ce magnifique levé de soleil au dessus de la mer de nuages, ça valait la peine de me lever si tôt. Il est bientôt 8 heures du matin, je suis aveuglée par tant de lumière, LA lumière, généreuse et inconditionnelle, alors que mon voisin dort derrière son masque noir. Ma nuit fut courte mais la sienne encore plus, cet oiseau de nuit ne s’est sûrement pas laissé séduire par son lit d’invité à 22 heures comme moi. Nous sommes 6 artistes dans ce vol Bruxelles / Barcelone, tous de la région nord sauf lui qui vit en Champagne. Mieux vaut ne pas être casanier pour faire ce métier ! Jamais au même endroit avec des conditions de travail sans cesse renouvelées. Nous saurons bientôt ce qui nous attend cette fois-ci.
8h30 Sitges
Un chauffeur nous accueille à l’aéroport et nous aide à charger nos sacs de costumes dans le van Mercedes, direction Sitges. Je compte le nombre de transports que j’ai emprunté pour arriver jusqu’ici, métro, train, voiture, avion puis ce dernier véhicule…
Dès notre arrivée à l’hôtel, le ton du séjour est donné, c’est la pagaille ! Les artistes ne sont pas en couple, j’aime bien mon camarade de scène, mais de là à dormir avec lui dans le même lit… Comment comment ? Le petit déjeuner n’est pas prévu non plus ? Mais nous sommes levés depuis 3 heures du matin, l’estomac dans les talons ! Notre chef de troupe, arrivée la veille, nous rejoint à la réception, passe quelques coups de fil et m’appelle à l’aide pour des explications en Franglaispagnol avec l’hôtesse d’accueil. La femme de ménage va séparer les lits de ceux qui partagerons la même chambre et je me retrouve finalement toute seule, comme une princesse. Deuxième étage avec vue imprenable sur la mer et une promenade de palmiers géants, je n’ai pas perdu au change. Après cet épisode haut en couleur, nous prenons enfin notre café croissant sur la terrasse, baignée d’une chaleur inespérée pour les nordistes que nous sommes.
10h30 ballade en bord de mer
Temps libre jusqu’à 13 heures, certains vont finir leur nuit dans des draps frais, je choisi la ballade en bord de mer. Nous allons faire des photos (pour cet article !) avec le photographe amateur de la troupe. Après tout j’ai un peu dormi, le sommeil avant minuit est mon préféré. Quand j’ai commencé ce métier, j’ai vite compris que mon corps trouvait son vrai repos la nuit plutôt que le jour. Pas facile à concilier avec un travail nocturne la plupart du temps, mais je fais au mieux pour préserver ma santé et mon énergie.
L’énergie, les surfeurs en ont à revendre ! Les vagues semblent parfaites et le printemps en avance, il fait plus de 20 degrés au soleil. Ces voyages sont l’opportunité de prendre du recul, une respiration dans un quotidien souvent incompatible pour un artiste. Il permettent de voir la vie sous un autre angle, de trouver l’inspiration, enfin, je l’espère.
13h déjeuner
De retour à l’hôtel nous prenons notre repas, toujours en terrasse. Les circonstances, le dépaysement et la fatigue aidant, nous échangeons des propos anodins ou plus sérieux, plus personnels. Derrière la bonne humeur souvent affichée des artistes se trouvent les blessures, les fêlures, les doutes. Que nous savons bien cacher ! Apres tout, qui veut voir un artiste déprimé sur scène ? Personne.
En attendant notre mini bus pour nous rendre sur le lieu du spectacle, nous poussons la chansonnette avec deux musiciens venus jouer en terrasse. Ils sont surpris et ravis à la fois de cette aide inespérée, avec un peu de chance les clients du restaurant seront plus généreux quand ils passeront leur chapeau. Cela me rappelle l’importance de faire ce métier dans un cadre professionnel, avec des fiches de paie, des congés spectacles, des droits…
15h préparatifs de la soirée
Nous arrivons dans un lieu au charme d’un autre âge, la Finca mas solers, hôtel particulier du dix-neuvième siècle et casino de Barcelone du temps jadis. Encore très imprégné de cette époque dorée, il me semble entendre les rires, les bruits de verre en cristal, le bruissement des robes de taffetas des belles espagnoles rivalisant de beauté.
Trêve de rêverie, pour briller à notre tour ce soir, il faut préparer nos costumes. Dans les loges ? Non, il n’y en a pas. Qu’à cela ne tienne ! L’adaptabilité des artistes est inégalée, à chaque fois il faut s’approprier le lieu où nous jouons. D’ailleurs, la plupart du temps avec cette troupe nous installons des loges de fortune à l’arrière ou sur le côté de la scène, pour nos changements de tableau très rapides. Perruque, costume, chaussures, accessoires, le tout doit être ajusté en trois minutes en moyenne. Coup d’œil furtif au miroir, une gorgée d’eau et nous sommes à nouveau sur scène pour la suite du spectacle !
Pour l’instant, nous devons nous l’approprier, cette scène, prendre nos repères pour les chorégraphies, faire la balance. L’ingénieur du son trouve un équilibre entre nos voix et la bande orchestre dans les retours et dans la salle, tout cela à un volume sonore assez élevé. Gare au larsen ! Il n’est jamais très loin, suffisamment proche pour abimer des tympans à vie. J’ai toujours des bouchons d’oreilles dans mon sac, une fois le spectacle fini, quand j’ai eu ma dose de décibels, je goûte avec eux la jouissance du silence. Relative, car le DJ prend souvent le relais avec sa musique, encore plus forte que la nôtre.
17h retour à l’hôtel
Heureusement, il reste du temps pour repartir à hôtel. Je profite cette fois de mon grand lit pour faire la sieste. Je commence aussi le maquillage, pas ma partie préférée quand je vois le temps passer dans le miroir… Allez ! De loin, sur scène, avec les lumières et mon physique d’éternelle adolescente, je ferai illusion une fois de plus.
20h ready for the show
Retour à la Finca mas grande, nous dinons dans un des salons, l’agent et le client sont là, visiblement décontractés. Le spectacle doit commencer à 22h20, ce sera finalement 21h45. Tout se déroule normalement mais alors qu’il reste encore vingt minutes, le client fatigué écourte la soirée, il n’y aura ni final ni présentation des artistes. Heureusement, cela n’arrive quasiment jamais. Enfin ! Je n’ai pas mal aux pieds ce soir et à 23h30 tout est déjà remballé. Comme nous ne rentrerons pas à l’hôtel avant une heure du matin, je rejoins les autres artistes au bar pour tuer le temps. Le bus chargé de nous ramener avec les convives de la soirée arrive plus tôt que prévu. Pas de chance, ce gros car de tourisme ne peut pas circuler devant notre hôtel. Nous portons nos sacs, 12 kilos en moyenne, sur quelques centaines de mètres, histoire que ce soit fun jusqu’au bout !
1h45 dodo
Je suis enfin dans mon grand lit et je m’endors telle Cendrillon, sans prince charmant et après une longue journée bien remplie.
Merci au photographe, Mickael Mollet, pour les images. Si vous aimez cet article, si vous avez envie de réagir, vos commentaires seront les bienvenus ci-dessous !
Ola Anita,
très bien rédigé et très sympa ton article.
C EST TOUT A FAIT CA
Biz
FRED
Merci Fred, tu étais là avec moi et les autres artistes, comme tu dis c’est tout à fait ça 🙂 A très bientôt.